Énergie

Vente record d'électricité d'Hydro à l'Ontario

Ottawa — Hydro-Québec s’apprête à conclure une entente historique d’une durée de 20 ans avec son équivalent ontarien, l’Independent Electricity System Operator (IESO), qui permettra à la société d’État du Québec de quadrupler ses ventes d’électricité à l’Ontario dès janvier 2018 et de garnir ses coffres de plusieurs milliards de dollars durant cette période.

Cette entente doit être formellement signée par le premier ministre du Québec Philippe Couillard et son homologue de l’Ontario Kathleen Wynne la prochaine réunion conjointe des conseils des ministres des deux gouvernements, qui doit avoir lieu le 22 septembre au Québec, a appris La Presse.

Un projet d’entente entre les deux parties, daté du 22 juin et que La Presse a obtenu, prévoit qu’Hydro-Québec vendra 8 térawattheures (TWh) par année à l’IESO – soit quatre fois plus d’énergie propre annuellement que ce que prévoyait un premier accord intervenu entre les deux sociétés l’automne dernier. Cet accord est entré en vigueur le 1er janvier dernier et doit prendre fin en 2023. Tout indique que la nouvelle entente viendra bonifier le précédent accord, qui avait d’ailleurs été annoncé en grande pompe par les deux gouvernements en octobre.

Pour illustrer l’importance de cette entente, la vente de 8 TWh représente suffisamment d’électricité pour alimenter 800 000 foyers en Ontario et constitue environ 6 % de l’énergie totale consommée dans la province (137 TWh), selon nos informations.

Le projet du contrat qui a été soumis aux autorités ontariennes prévoit qu’Hydro-Québec obtiendrait environ 6,12 cents le kilowattheure (contre un prix moyen à l’exportation de 4,8 ¢/kWh en 2016). Le contrat prévoit aussi une hausse annuelle du prix de vente de 2 % pour la durée du contrat. En outre, l’Ontario s’engagerait à payer pour les 8 TWh, que l’électricité soit consommée ou non, afin de s’assurer l’accès à cette énergie propre. Résultat : Hydro-Québec pourrait trouver en Ontario le marché d’exportation important qu’elle tente de conquérir depuis des années dans le nord-est des États-Unis, où l’opposition aux visées expansionnistes de la société d’État demeure vive.

« Cette entente représente une occasion en or pour le Québec. »

— Une source bien au fait du dossier, qui a requis l’anonymat compte tenu de la nature délicate des pourparlers

Alors que le gouvernement libéral de Kathleen Wynne cherche par tous les moyens à réduire la facture d’électricité des ménages ontariens à quelques mois des élections provinciales, prévues en juin 2018, et au moment où l’Ontario veut mettre les bouchées doubles pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, Hydro-Québec devient donc une option de plus en plus alléchante pour la province voisine.

D’autant plus que l’Ontario, où les tarifs d’électricité sont les plus élevés au pays, doit fermer l’une de ses trois centrales nucléaires, celle de Pickering, à compter de 2020. Les trois centrales (Pickering, Darlington et Bruce) produisent actuellement tout près de 60 % de l’électricité consommée dans la province. À elle seule, la centrale de Pickering produit 20 TWh. En outre, la centrale de Bruce à Kincardine, sur les rives du lac Huron, doit être rénovée à partir de 2020 également.

Une idée qui a fait son chemin

Dans le passé, l’Ontario s’était montré réfractaire à l’idée d’acheter de l’électricité en dehors de ses frontières. Mais la donne a complètement changé avec la fermeture des centrales au charbon en Ontario, les milliards de dollars d’investissements nécessaires pour rénover les centrales nucléaires, la montée en flèche des coûts d’électricité pour les ménages ontariens et la détermination du gouvernement provincial à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Selon nos informations, le ministre de l’Énergie de l’Ontario, Glenn Thibeault, a expédié une lettre à son homologue québécois Pierre Arcand le 13 juin pour explorer la possibilité de conclure une nouvelle entente de longue durée pour l’achat d’électricité. Huit jours plus tard, le vice-président responsable du développement des affaires chez Hydro-Québec, Steve Demers, a fait parvenir une ébauche de contrat au président et directeur général de l’IESO, Peter Gregg.

« S’appuyant sur notre entente de vente et échange d’électricité conclue l’an dernier, nous sommes convaincus que cette nouvelle proposition représente un vrai pas en avant nous permettant d’augmenter nos échanges d’électricité tout en utilisant le plus efficacement la source d’énergie propre d’Hydro-Québec afin de répondre aux besoins énergétiques actuels et futurs de l’Ontario », écrit M. Demers dans sa lettre à Peter Gregg.

Il a été impossible hier de savoir si les interconnexions actuelles entre les deux provinces seront suffisantes pour transporter l’énergie qu’Hydro-Québec compte vendre. Si des investissements devaient être nécessaires, le Québec et l’Ontario pourraient obtenir un coup de pouce financier d’Ottawa. En effet, le gouvernement Trudeau s’est dit prêt à investir près de 22 milliards de dollars dans les infrastructures vertes au cours de la prochaine décennie, ce qui comprend des projets tels que la construction de lignes interprovinciales de transmission d’électricité qui contribueraient à réduire les émissions de GES.

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